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Voyage avec les boyaux

 

Ce « voyage avec les boyaux » n’est pas un stage en immersion au sein d’une unité de chirurgie viscérale, pas plus qu’une initiation à la spéléologie. Plus prosaïquement, essayons de suivre à la trace les boyaux qui enveloppent nos saucisses, saucissons et autres andouillettes.

Jadis, dans nos campagnes, tout était simple. On élevait son cochon, puis, à l’entrée de l’hiver, on le tuait et on se servait de ses boyaux pour confectionner saucisses et saucissons. Question traçabilité, impossible de faire mieux. Au pire, si on ne pouvait ou voulait pas faire ça soi-même, on s’adressait à un charcutier qui s’occupait de tout à notre place.
De nos jours, évidemment, ça ne se passe plus comme ça.

 

Si vous allez chez un artisan charcutier qui prépare lui-même ses saucisses, il saura sans aucun doute vous dire d’où vient le porc qu’il a travaillé. Mais aussi sérieux et consciencieux soit-il, il aura sans doute bien du mal à vous expliquer par où est passé le boyau qui entoure ses produits. Et on ne parle pas ici des boyaux artificiels, à base de collagènes ou de cellulose. Non, c’est bien de boyau naturel qu’il est question.

Andouillettes et chipolatas

Car le boyau de votre andouillette a sans doute beaucoup bourlingué avant de finir sur votre barbecue ou votre plancha, même si le porc dont il est issu a peut-être été élevé pas loin de chez vous.
Et cela pour au moins deux raisons.
La première est l’adéquation de la taille du boyau au type de charcuterie que vous voulez produire. Pas besoin d’avoir un CAP charcuterie pour se rendre compte qu’il ne faut pas le même diamètre de boyau pour une chipolata que pour une andouillette.

La première nécessite du menu (intestin grêle du porc), tandis que la seconde a besoin du gros intestin de la bête, (chaudin ou suivant). Dans une région où on produit traditionnellement plutôt de l’andouillette ou de la saucisse de Morteau, on va avoir besoin de plus de chaudin et de suivant que ne peut en produire le porc qui a servi à la garnir. Donc, mathématiquement, il faudra en faire venir d’ailleurs.

 

 

La mondialisation en marche

La deuxième raison, la plus importante, est purement économique. Le produit est d’abord calibré : on mesure le diamètre de l’intestin d’un porc sur toute sa longueur. Ensuite on le coupe à la taille standard à laquelle il sera vendu. Et comme ces opérations sont largement manuelles, il est plus rentable, malgré les coûts de transport, pour un boyaudier industriel d’aller faire préparer ses produits au Maroc, voire en Chine, vu le coût de la main d’œuvre dans ces pays.

 

Ensuite, les boyaux sont réexpédiés chez nous avec le label « boyaux garantie d’origine européenne », ce qui, à proprement parler, est vrai, puisque le cochon a peut-être élevé à côté de chez vous.

Du coup, ni vous ni même votre charcutier artisanal n’êtes censés savoir que le boyau a accompli un périple de plusieurs milliers de kilomètres (jusqu’à 45000 s’il est passé par la Chine)… mais ce n’est pas pour cette raison que les andouillettes ressemblent à des rouleaux de printemps. D’ailleurs, elles n’ont pas le même goût !