UFC-Que Choisir de l'Indre et Loire

Consommation

Des boutiques Shein en France : une révolution culturelle ?

Du Bonheur des Dames à Shein

          « La grande puissance était surtout la publicité. Mouret en arrivait à dépenser par an trois cent mille francs de catalogues, d’annonces et d’affiches. Pour sa mise en vente des nouveautés d’été, il avait lancé deux cent mille catalogues, dont cinquante mille à l’étranger, traduits dans toutes les langues. » [1]

Non, ce n’était pas d’ Octave Mouret dont il a été largement question le 5 novembre dernier mais de Frédéric Merlin, Président du groupe SGM. Ce n’est pas Au Bon Marché, source d’inspiration pour le roman de Zola, paru il y a plus de 140 ans, que l’enseigne Shein est entrée physiquement dans Paris mais au BHV qui a accueilli 50 000 clients en cinq jours. Car chez Shein on ne chine pas… on achète compulsivement.  

 

Une stratégie offensive

L’approche marketing de la marque est à l’image de ses produits, ultra-fast ! Elle s’appuie sur une chaîne d’approvisionnement extrêmement réactive ainsi que sur le désir de nouveauté des consommateurs, notamment en utilisant leurs données numériques. Puisqu’il est avéré que les techniques de vente et de production agressives de l’entreprise ont des conséquences désastreuses d’un point de vue social, environnemental et économique, un tel succès pose question.

 Certes, les cibles privilégiées sont  les acheteurs disposant de peu de ressources et les jeunes –  en particulier la Gen Z – familiers des réseaux sociaux donc plus perméables à la publicité et aux prix très attractifs. Néanmoins, on ne saurait les pointer du doigt en les traitant d’ irresponsables. Il conviendrait avant tout de se demander pour quelle(s) raison(s) le pays de la mode n’est plus en mesure de proposer des vêtements de qualité à l’ensemble de sa population. 

 

Shein, l’empire du mal ?

En s’installant au sein d’un grand magasin parisien, Shein a pris toute la lumière, cristallisé toutes les émotions négatives pour être qualifiée de ce qu’il y a de pire dans le domaine de la mode vestimentaire. Pour autant, d’autres marques – celles qui fabriquent des jeans, par exemple – jugées plus prestigieuses ne se gênent pas pour utiliser une main d’œuvre sous-payée et muselée, pour gaspiller des réserves d’eau potable et pour polluer sans vergogne. Mais là, on regarde ailleurs.

A Tours, L’Heure (trop) Tranquille du quartier des Deux Lions a vu son chiffre d’affaires et sa fréquentation augmenter en 2025 grâce notamment à l’arrivée de Primark en décembre 2024[2]. Primark (entreprise irlandaise), Shein même combat ? Pendant ce temps, les enseignes françaises, moins armées, moins innovantes ? disparaissent.

 

Freiner l’ultra-fast fashion

L’adoption du Nutri-Score par des marques de produits alimentaires a permis une prise de conscience à la fois chez les consommateurs et chez certains décideurs de l’industrie agroalimentaire, on peut  espérer que l’Eco-Score Textile un nouvel affichage environnemental qui permet de connaître le coût d’un textile pour la planète favorisera une prise de conscience de part et d’autre.[3]

Enfin, on peut rêver que  dans un monde plus équitable et plus impliqué dans les enjeux environnementaux, les boutiques désertées deviendraient des lieux de vie intergénérationnels où munis de nos machines à coudre et autres aiguilles à tricoter on déferait nos vieux pulls, découdrait nos vêtements un peu usagés pour en fabriquer de nouveaux.

 

 

[1]E. Zola, Au Bonheur des dames, 1883 chap.IX

[2] https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/primark-en-locomotive-nouveaux-magasins-frequentation-en-hausse-l-heure-tranquille-a-tours-a-trouve-son-rythme-3002070

[3] https://www.economie.gouv.fr/particuliers/mes-droits-conso/bien-consommer/vetements-ce-quil-faut-savoir-sur-le-nouvel-eco-score-textile#