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Ukraine : « T’as pas de beaux œufs, tu sais ! »

Depuis le printemps, le Comité national pour la promotion de l’œuf  (CNPO) a dénoncé à plusieurs reprises la présence d’œufs ukrainiens dans les rayons de certains magasins de la grande distribution, notamment Carrefour et Leclerc cet été.

Et pourtant, la France est le premier pays producteur en Europe avec 15,4 milliards d’œufs pondus (chiffres CNPO), essentiellement produits dans le Grand Ouest, en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Il faut dire que l’œuf est une protéine bon marché et les Français en consomment en moyenne 224 par an. En 2025, la consommation d’œufs a même augmenté de 5 %.

En tant que pays producteur d’œufs, la France était pratiquement autosuffisante avec les deux tiers de sa production utilisée principalement dans la restauration et l’industrie agro-alimentaire (pâtisseries, mayonnaises, plats ultra-transformés et pâtes aux œufs, bien évidemment). Mais les différents épisodes de grippe aviaire, combinés à l’augmentation de la consommation des Français, ont été l’occasion d’importer des œufs à bas coût.

Pourquoi des œufs ukrainiens ?

En fait, l’Ukraine est depuis longtemps un pays producteur d’œufs, production qu’elle exporte en partie vers l’Europe et qui est principalement utilisée par l’industrie agro-alimentaire.

Après le début de la guerre en Ukraine et l’invasion par l’armée russe, l’Union Européenne avait décidé, en mai 2022, de suspendre les droits de douane et donc de ne plus taxer les importations en provenance d’Ukraine afin de soutenir son économie. Cette suspension des droits de douane s’appliquait sur de nombreux produits agricoles ukrainiens dont les œufs.

En 2024, ces mesures ont été prolongées mais avec un plafonnement pour certains produits, notamment la volaille et les œufs, avec même un rétablissement des droits de douane si les importations dépassaient les moyennes de 2023. Il faut dire que les agriculteurs des autres pays européens, dont les Français, voyaient d’un très mauvais œil cette concurrence à leur production nationale.

Le CNPO a-t-il eu raison de protester ?

Le CNPO a dénoncé donc la présence et le prix extrêmement bas de ces œufs ukrainiens dans les rayons de certains magasins. Il met en avant notamment le fait que ces œufs ne respecteraient pas les normes européennes et qu’ils pourraient contenir des antibiotiques interdits dans l’UE. Depuis début 2025, 5 contrôles auraient été effectués et des résidus d’antibiotiques (métronidazole et nitrofurantoine) auraient été trouvés.

Du côté des grands distributeurs, certains se sont exprimé : l’enseigne Carrefour a publié un communiqué affirmant qu’elle ne commercialisait « aucun œuf d’origine ukrainienne », tandis que Leclerc indiquait qu’ « un magasin a eu une initiative regrettable, […] un cas isolé, qui ne correspond absolument pas à la politique d’achats de l’enseigne ».

Comment reconnaitre un œuf français, ukrainien, belge… ?

Afin d’assurer la traçabilité du produit sorti de son emballage, les professionnels apposent un code complet sur chaque coquille (non, les poules ne pondent pas des œufs déjà tatoués !).
Le premier chiffre indique le mode d’élevage (0= biologique, 1= existence d’un parcours en plein air pour la poule ; 2= au sol, sans parcours extérieur ; 3= en cage).
Les deux lettres suivantes indiquent le pays d’origine (FR pour la France). Ensuite, le code identifie l’élevage d‘origine.

Les deux lettres varient donc selon le pays d’origine : un œuf tatoué UA sera un œuf ukrainien, IE un œuf irlandais, DE, allemand, PT, portugais, BE, belge etc.

Les œufs ukrainiens incriminés dans cette histoire ont un code mode d’élevage 3, c’est-à-dire que les poules pondeuses sont élevées en cage 24 h/24, ce qu’on appelle de l’élevage en batterie. Même si, en 2021, 81 % des Français étaient favorables à la fin de l’élevage des poules pondeuses en cage, force est de constater que la majorité des œufs que nous consommons actuellement en France (rayons magasins, industrie agro-alimentaire, …) proviennent de ces élevages en cage.

En conclusion

Certes, le CNPO défend la production française (et les producteurs) mais il ne faut pas oublier que l’UE a toujours importé des œufs ukrainiens (ou d’autres pays) d’élevage en batterie (code 3), notamment pour l’industrie agro-alimentaire. Ce qui signifie que nous consommons (à notre insu) dans les produits transformés, les pâtisseries…des œufs dont nous ignorons la provenance et le mode de production.

Il y aurait là matière à réfléchir pour faire évoluer la traçabilité des ingrédients d’un produit et pour une meilleure information du consommateur.  Si nous avons le choix dans les rayons pour acheter des œufs français d’élevage bio ou en plein air (pas beaucoup plus chers que les autres), nous devrions avoir la même information et le même choix pour tous les autres produits dans lesquels les œufs entrent dans la liste des ingrédients principaux.