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PestiRiv : quand les pesticides s’invitent chez les riverains des vignes

 

On savait que les vignes donnaient du bon vin… mais elles laissent aussi passer un autre type de cuvée : les pesticides. Pour la première fois, une grande étude nationale, baptisée PestiRiv, a cherché à savoir si vivre près d’une vigne, c’est aussi respirer un peu plus de chimie au quotidien.

De 2021 à 2022, l’étude, livrée le 17 septembre 2025, a suivi près de 2 700 participants dans six régions viticoles (sans hélas la Touraine), en comparant les habitants proches des vignes (moins de 500 m) avec ceux vivant à plus d’un kilomètre de toute culture.

Comment ça marche ?

Les chercheurs n’ont rien laissé au hasard : Analyses d’urines et de cheveux, Prélèvements de poussières et d’air intérieur, Mesures de l’air extérieur et même de légumes des potagers familiaux. Ajoutez des questionnaires sur le mode de vie et vous obtenez un cocktail complet pour savoir si l’on est “arrosé” sans le vouloir.

Les résultats : pas besoin d’un sommelier pour les lire

Le verdict est net : vivre près des vignes expose davantage aux pesticides, surtout pendant les périodes de traitement. L’empreinte se retrouve partout — air, poussières, urines, cheveux — et touche enfants comme adultes.

Les substances sont parfois typiquement viticoles (folpel, métirame), parfois plus générales (glyphosate, cuivre, pyréthrinoïdes). Elles ne s’arrêtent pas aux limites du champ : entre dérive lors des pulvérisations et réenvol des produits, elles voyagent et se déposent un peu partout. Même dans nos nuages !

À noter : l’étude a eu lieu en 2022, année sèche. En cas de printemps pluvieux, les traitements auraient sans doute été encore plus nombreux… et les résultats plus marqués.

Et maintenant, on fait quoi ?

Pour Santé publique France et l’Anses, le message est clair : réduire l’usage des pesticides au strict nécessaire. Plus on traite, plus l’exposition des riverains grimpe, surtout quand les maisons jouxtent les parcelles.

Quelques pistes :

  • renforcer la stratégie Ecophyto 2030 (objectif : -50 % de pesticides et risques associés);
  • mieux informer les habitants avant les traitements (à condition que l’info arrive à temps…);
  • et surtout agir à la source. Car on ne va pas demander aux riverains de sortir en scaphandre pour arroser leurs tomates.

Viticulture bio : un moindre recours, mais pas une immunité

Nombreux sont les viticulteurs attentifs aux riverains, en préservant de larges bandes neutres, tel le viticulteur bio Thimothée Delalle.

Le passage à l’agriculture biologique réduit nettement l’usage de pesticides de synthèse et les résidus dans le raisin et le vin. Cela diminue certaines sources d’exposition pour les riverains (air, poussières, aliments). En Touraine, près de 80% des domaines (70% des surfaces) se sont engagés dans une certification en agriculture biologique.

Thimothée Delalle, viticulteur à Fondettes et Luynes, a entamé une démarche bio dès son installation en 2018, il ne cache pas sa vive inquiétude face aux nouvelles réglementations à venir: « En bio, il y a un gros débat car on veut nous retirer la moitié de la dose de cuivre autorisée ainsi que les produits de synthèse. Certaines années humides, ça pourrait représenter 70% de récolte en moins en Touraine. Il y a un moment où l’on ne pourra plus en vivre ! On ne traite jamais par plaisir et on fait toujours attention aux zones limitrophes avec les riverains. »

Si les études montrent bien une surexposition des riverains près des vignes, elles manquent encore de comparaisons directes “bio versus conventionnel”. Conclusion : le bio aide, mais il doit être couplé à des mesures locales (distances, haies, réglages des appareils) pour mieux protéger les habitants.

Une base précieuse pour l’avenir

PestiRiv met désormais à disposition une base de données unique pour comprendre les mécanismes d’exposition et, demain peut-être, relier ces expositions à des effets sanitaires concrets. Les résultats rejoindront le programme Green Data for Health, accessible aux chercheurs. Les agences appellent aussi à un meilleur accès aux données réelles d’utilisation des produits : car pour comprendre, encore faut-il savoir ce qui est pulvérisé.

En résumé

Vivre près d’une vigne, ce n’est pas seulement profiter du paysage : c’est aussi partager un peu des pesticides qui y sont épandus. Une raison de plus pour accélérer la réduction des produits chimiques, au bénéfice des vignerons, des riverains… et de nos verres de vin, qui n’ont pas besoin d’un arrière-goût de chimie, mais avec une évidence : il faudra les payer plus cher !