La revanche du ver de farine

Tous ceux qui font la cuisine connaissent et redoutent le fameux ver de farine, qui se loge dans les pots de farine pour se nourrir et remonte à la surface pour muer et se métamorphoser. Sa présence est assez peu ragoûtante, il faut bien le reconnaître, et c’est pourquoi, pour s’en prémunir, on a pris l’habitude de conserver la farine, quand on le peut, dans des récipients étanches.
Ce Tenebrio molitor, c’est son nom scientifique, tenebrion meunier pour la traduction française, doit son nom au fait qu’il avait jadis l’habitude de coloniser les moulins, là précisément où il pouvait trouver à satiété son mets préféré : la farine. Traqué, pourchassé, sa réputation n’était pas des plus reluisantes, et il était obligé de vivre constamment dans la clandestinité, à l’insu des propriétaires des lieux, alors qu’il est totalement inoffensif.
Mais ça, c’était avant. Car dès ce lundi 10 février, l’heure de la revanche sonne pour le Tenebrio molitor. Et celle-ci, est, disons-le clairement, éclatante. L’Union européenne vient en effet d’autoriser l’incorporation de larves de vers de farine, réduites en poudre, dans certains aliments comme le pain, les pâtes, le fromage ou les gâteaux. Dès lundi donc, on pourra incorporer de la farine, ou plus exactement de la poudre, de vers de farine dans certains aliments. En quantité limitée, certes (par exemple pas plus de 4% dans le pain), et à condition de le préciser expressément sur l’emballage.
Ce ténébrion a, il faut le dire, quelques arguments à faire valoir, notamment sa richesse en protéines et en vitamines et son impact environnemental bien moindre que celui de l’élevage traditionnel.
Ce retour en grâce du ténébrion, ce pauvre petit insecte qui n’a jamais fait de mal à une mouche, pourrait apparaître comme un juste retour des choses, après qu’il a été, durant tant d’années, vilipendé, pourchassé, à défaut d’avoir pu être exterminé. Mais ce regain de popularité est en fait une victoire à la Pyrrhus, puisque pour figurer, au grand jour, aux menus de nos tables, Tenebrio molitor devra faire le sacrifice de sa vie : les larves seront traitées aux UV et réduites en poudre avant d’être utilisées en cuisine.
On n’a rien sans rien !