Boites à lire : parfois au profit exclusif de quelques-uns
En voilà une bonne idée, la boite à lire ! On ne sait pas dans quel cerveau elle a germé la première fois (il semblerait que le point de départ se situe en Autriche au milieu des années 90) mais on peut dire que c’est un succès. Pourtant, le concept est simplissime. Quand on a lu un livre et qu’on ne veut ou peut pas le garder, on le dépose dans un lieu accessible au public pour que n’importe qui puisse se servir, gratuitement. Et à l’inverse, on peut prélever un ou plusieurs bouquins qui nous ont tapé dans l’œil.
Liberté, gratuité
On en trouve de toutes les tailles et de toutes les formes, depuis la petite caisse disposée sur un appui de fenêtre par un particulier, jusqu’à la cabane de jardin relookée par des services municipaux ou une association, en passant par la vieille cabine téléphonique ou le frigo hors d’usage. Impossible de les recenser avec exactitude, mais ce que l’on sait, c’est qu’il y en a actuellement plus de 10.000 à travers le pays.
Ce qui fait le succès de la formule ? Essentiellement l’absence de contrainte. Pas d’inscription préalable, pas de contrôle, pas de quotas : je peux déposer un livre et en prendre trois, je peux me servir sans rien donner en échange, ou à l’inverse déposer sans repartir avec un livre. Bref, totale liberté !
Mais voilà, malgré la totale gratuité du concept boite à lire, les livres qui se trouvent à l’intérieur conservent, que les utilisateurs le veuillent ou non, une valeur marchande, et même carrément une cote, que l’on peut évaluer facilement en consultant des sites spécialisés, type Momox ou Gibert. Ce qui, on s’en doute, n’a pas échappé à certains petits malins, qui pillent consciencieusement les boites à lire pour revendre à leur seul profit personnel, comme a pu le mettre en évidence une enquête de terrain réalisée par le site The Conversation à Maisons-Alfort.
Un véritable business
Des milliers de livres discrètement marqués (des thrillers) ont été déposés dans des boites à lire. Les enquêteurs ont d’abord repéré des individus avec des grands sacs raflant le contenu de plusieurs boites. Ils ont ensuite retrouvé les ouvrages sur des sites de revente de seconde main. L’expérience a été renouvelée avec à chaque fois les mêmes constatations. Rien d’illégal dans ces pratiques puisque, rappelons-le, le principe de la boite à lire est qu’il n’y a ni contrainte ni de contrôle.
Mais il y a quand même quelques conséquences. La première est que dans les boites ainsi pillées, ne restent que des invendables : livres en mauvais état, déchirés, etc., que les « préleveurs professionnels » ont dédaignés. Et qui dit qualité de l’offre en baisse dit, à terme, fréquentation en baisse. A quoi bon regarder dans une boite à lire si on sait qu’on ne va y trouver que de vieux papiers tout juste bons pour la poubelle jaune ?
Petite note d’espoir : pour l’heure, de tels agissements restent marginaux, heureusement. Mais si l’on n’y prend garde, cette belle idée de partage finira par être tuée par la cupidité de quelques-uns qui détruiront aussi, du même coup, leur source d’approvisionnement. Et d’un système gagnant-gagnant on sera passé à un système perdant-perdant.