Amazon, tu l’aimes ou tu le quittes… si tu peux
Amazon, il y a ceux qui l’adorent et qui ne pourraient pas s’en passer. Et puis ceux qui le détestent et qui n’y auraient recours pour rien au monde.
Si par hasard vous nourrissez le projet de pourrir l’ambiance lors des repas de fêtes de fin d’année, voici une méthode quasi-infaillible : au moment que vous jugerez opportun, lancez dans la conversation le nom d’Amazon. Effet garanti et immédiat : l’assemblée se divisera illico en trois camps.
D’un côté, la vieille tata écolo aux idées sociales bien affirmées : la seule mention de la firme américaine lui donne des boutons. Elle ne voit en Jeff Bezos que le fossoyeur du petit commerce, un exploiteur sans scrupules et un pollueur invétéré qui inonde la planète en incitant les gens à surconsommer.
De l’autre, le cousin qui se veut « moderne », et qui affirme haut et fort qu’il faut être vraiment idiot pour se passer des avantages que procure Amazon. Et d’insister : livraison gratuite, service après-vente aux petits soins, voire livraison en une heure, sans parler des prix et du choix…
Entre les deux, tous ceux qui pensent que ce n’est pas le moment de parler de ça, en reprenant une part de dessert…
Pour le plaisir !
Mais le cousin a-t-il raison de ne jurer que par Amazon ?
Si l’on s’en tient à ses arguments, oui, évidemment, parce que ceux-ci sont on ne peut plus réels : livraison effectivement gratuite, service après-vente hyperperformant, choix immense et prix concurrentiels… Difficile, dans ces conditions, de résister, car, notamment, la livraison rapide est perçue par le cerveau du cousin ( et de millions d’autres personnes) comme une récompense immédiate, et comme un renforçateur qui va accélérer la fréquence du comportement, parce que cela active, dans son corps, la dopamine, un neurotransmetteur aussi appelé « molécule du plaisir ». En gros, le cousin commande sur Amazon et il est livré le lendemain : il éprouve cette sensation de récompense immédiate et de plaisir, qui ne lui donne qu’une envie, celle de recommencer, et ainsi de suite.
C’est plus fort que moi
Et pourtant, comme il est un tant soit peu informé, il sait bien, le cousin, que les conditions de travail chez Amazon sont lamentables, que les salariés sont payés avec un lance-pierre (et encore !) et que le mot « syndicat » fait fâcher tout rouge M. Bezos. Il sait aussi que le commerce de proximité, et plus généralement la concurrence, ne peut pas s’aligner sur les prix pratiqués par Amazon…
Bref, il sait que la tata a raison ; mais c’est plus fort que lui, il ne peut pas s’empêcher de commander, de recommander, et de re-recommander sur Amazon. C’est ce que les psychologues appellent une dissonance cognitive, c’est-à-dire une distorsion entre les idées et les actes.
Du coup, pour se donner bonne conscience, le cousin, après chaque achat s’autoconvainc qu’il n’avait pas le choix, avec toujours les mêmes arguments : c’était plus cher ailleurs, pour la livraison il aurait fallu attendre plus longtemps, ou il ne trouvait pas exactement ce qu’il cherchait…
Comment te dire adieu ?
Mais parfois, tout de même, il se dit qu’il pourrait faire un effort, pour toutes les bonnes raisons qu’avance la tata, alors il essaie de se désinscrire d’Amazon Prime, mais c’est compliqué : déjà il faut trouver comment faire sur le site, c’est écrit en tout petit ; et si par bonheur il trouve, il lui faut encore justifier son acte en fournissant une bonne raison. Bref, c’est compliqué, alors il laisse tomber, et à chaque repas de famille, la tata, avec ses arguments, somme toute irréfutables, l’agace. Pour se déculpabiliser, il ironise : elle n’est pas maligne si elle accepte de payer plus cher pour un même objet qu’elle recevra à la Saint Glin-Glin.
Quant à elle, la tata a décidé, contre vents et marées, de ne jamais mettre le doigt dans cet infernal engrenage : elle préfère continuer à se demander avant d’acheter un objet, si elle en a vraiment besoin, et si tel est le cas, à pouvoir continuer d’avoir le choix du commerçant, tant que le vilain Jeff ne les aura pas mangés tout cru !