UFC-Que Choisir de l'Indre et Loire

Consommation

On n’est pas près de manquer de pénuries

 

Le mot est actuellement sur toutes les lèvres, alimente toutes les conversations, nourrit les commentaires des journalistes à la télé, à la radio, dans les journaux, sur internet. C’est comme si on venait soudainement de découvrir le concept : celui de pénurie.

Pour aller au plus simple, on peut définir une pénurie comme le manque de choses nécessaires. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la pénurie est vieille comme le monde. Depuis nos lointains ancêtres des cavernes qui ne mangeaient que quand les chasseurs ramenaient du gibier ou les cueilleurs une poignée de baies ou de fruits jusqu’à nos grands-parents qui ont dû manger rutabagas et topinambours pendant la Deuxième Guerre mondiale, puisque l’occupant raflait à peu près tout le reste pour nourrir la troupe, en passant par le Moyen-Age où les récoltes étaient aléatoires.
Plus près de nous, en mai 68, suite aux grèves, l’essence manquait, et certains, se croyant plus futés que la moyenne, n’hésitaient pas à en stocker jusque dans leur baignoire, au risque de faire exploser leur appartement (ce qui s’est d’ailleurs produit).

Crise du sucre : certains ont cru pouvoir se sucrer au passage

On se souvient également de la crise du sucre de 1974. A l’origine, une déclaration du président national des betteraviers incitant les ménages à faire quelques provisions de sucre « afin d’éviter la spéculation » (sic). Il n’en faut pas plus pour que les clients se ruent dans les magasins pour acheter du sucre, parfois par centaines de kilos, alors que la consommation moyenne annuelle n’atteint même pas 20kg par habitant. Sitôt remplis, les rayons se vident.

 

La crise du sucre se terminera aussi soudainement qu’elle avait commencé, laissant au passage sur le carreau un certain nombre de petits spéculateurs qui avaient cru flairer la bonne affaire, comme le décrit le film de Jacques Rouffio, « Le Sucre », inspiré d’un roman de George Conchon.

30 ans de papier toilette devant soi

En 2020, lors du premier confinement, on a tous vu des clients sortir de grandes surfaces avec un chariot débordant de papier toilette, avec une conséquence immédiate : des rayons vides. Il n’est pas aberrant d’imaginer qu’en 2050 certains continueront de s’essuyer avec du papier WC acheté par leurs parents 30 ans plus tôt ! Le PQ estampillé confinement 2020 aura alors un petit côté vintage non dénué de charme !
Si l’on évoque ici le papier toilette, on pourrait aussi bien citer le sucre (toujours lui), la farine, le café ou l’huile.

D’ailleurs, parlons-en de l’huile, puisqu’actuellement il est quasiment impossible de se procurer une bouteille d’huile de tournesol. En cause ? La guerre en Ukraine (très gros producteur de graines de tournesol), entend-on. Celle-ci, en l’occurrence, a bon dos, puisque le conflit actuel ne pourrait impacter vraiment le marché de l’huile qu’en 2023. De plus, les gros fabricants d’huile avaient anticipé en stockant de grosses quantités de tournesol dès les premières rumeurs de guerre.

La peur de manquer

Si une des causes de la pénurie actuelle est la hausse des coûts de transport qui incite les fabricants à lever le pied sur les livraisons si les prix ne sont pas réévalués, la cause première de ce manque reste toujours la même : la peur de manquer qui pousse les gens à stocker dans des proportions souvent irrationnelles. Comme pour le papier toilette, il y a fort à parier que certains consommeront de l’huile, devenue rance, pendant plusieurs années.


Autre pénurie annoncée : celle de moutarde. Dans ce cas, c’est la sécheresse au Canada (premier producteur mondial de graines de moutarde) qui en est à l’origine.
On peut citer également le poulet et les œufs. Là, l’explication est à chercher du côté de la grippe aviaire, évidemment.
On risque aussi de manquer de lait. Dans ce cas, ce sont les éleveurs laitiers, pris en tenaille entre la hausse des coûts de production et la stagnation des cours, qui, pour certains d’entre eux, envisagent sérieusement une reconversion, notamment vers la céréaliculture, plus lucrative.
La liste de produits de consommation courante menacés de pénurie, n’est pas close. Elle a même tendance à s’allonger chaque jour.

Un peu de civisme

Comme on le voit, les ressorts d’une pénurie sont toujours les mêmes : calamités agricoles (sécheresses, maladies des animaux), guerres, hausse des coûts… mais aussi et surtout spéculation et peur de manquer.

Alors, que peut faire le consommateur dans ce genre de situation ? Surtout ne pas céder à la panique et ne pas se précipiter dans les magasins à la première rumeur. Si chacun fait preuve d’un peu de civisme au lieu de ne penser qu’à son petit confort personnel, les rayons se videront moins vite, voire ne se videront pas du tout.

On peut aussi s’adapter, en utilisant, par exemple, une huile alternative à l’huile de tournesol, en attendant des jours meilleurs. Pour la moutarde, on peut réinventer sa cuisine, en utilisant du raifort ou de la tapenade pour parfumer ses plats.